MISTER T & MOI
Voici un regard critique sur les conditions de vie des personnes handicapées dans la société actuelle. Grâce à son sens de l’autodérision, la profondeur des réflexions est renforcée par un ton léger. Avec Mister T & moi (éditions la belle étoile 2020), Elisa Rojas réussit un véritable tour de force.
En racontant à grand renfort d’autodérision un épisode de sa vie sentimentale, Elisa Rojas démontre par A+B que le handicap est une construction sociale, reposant sur le validisme de la société dans laquelle nous vivons. Le validisme c’est considérer la personne en bonne santé comme un idéal à atteindre. La conséquence est un ensemble de comportements des personnes en bonne santé vis-à-vis des personnes handicapées visant à leur faire comprendre consciemment ou non leur supériorité. Pour résumer : j’empreinte ces mots au livre : « Rassurer les valides : fonction première de toute personne handicapée. Notre présence en dehors d’un espace qui nous est exclusivement réservé est un malaise en soi. »
Ma vie quotidienne de personne handicapée a fait germer en moi toute une série d’intuitions que je n’étais jusqu’alors pas capable d’exprimer. En m’offrant des mots simples et clairs, MISTER T & MOI d’Elisa Rojas va me permettre de les formuler à haute et intelligible voix désormais. S’il fallait une preuve du pouvoir libérateur de la lecture, en ce qui me concerne, ce bouquin pourrait me servir d’exemple. Quel soulagement de constater que je n’étais pas le seul à me poser ce genre de question : « Que ce serait-il produit si T., C. et moi avions tous les trois grandis dans une société où le handicap aurait été une particularité parmi d’autres, qui ne complique et n’entrave pas l’existence, dans laquelle être une femme ne réduit pas la liberté, dans laquelle être une femme handicapée ne multiplie pas les difficultés ? »
Enfin, pas tout à fait, j’ai la chance d’être un homme blanc et hétérosexuel, ce qui me permet d’éviter le cumul des difficultés… Malgré les sujets évoqués capables d’en faire déprimer plus d’un, le livre évite ce piège en gardant un ton optimiste et militant comme ici : « Il y a, en parallèle, toute une société à changer, des actions politiques et collectives à mener, mais nous ne pourrons jamais y arriver sans croire un minimum en nous et en notre légitimité. »
Ça tombe bien, personnellement, je me sens plus légitime à porter des revendications après cette lecture ! Bonne lecture et cultivez-vous !
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